Actuellement en France, toutes les générations peuvent être qualifiées de connectées. Les établissements scolaires disposent de leur logiciel de gestion de vie scolaire pour établir un lien entre enseignants, parents et élèves, les EHPAD sont dotés de leur page Facebook qu’ils utilisent pour communiquer sur leur actualité, et il est impensable pour une entreprise ou une collectivité de ne pas disposer de vitrine en ligne. L’outil formidable qu’est internet est indissociable de notre quotidien depuis les années 2000, période durant laquelle les foyers français se sont équipés en matériel informatique permettant une connexion. A cette époque, le modem 56k trônait fièrement dans le salon et il n’était pas rare d’avoir le temps nécessaire pour se préparer un thé le temps qu’une page charge. Aujourd’hui, la fibre nous offre un accès 1700 fois plus rapide. Pour le meilleur ou pour le pire ?
Dans une étude de l’INSEE parue en janvier 2022, nous apprenons que 93% des Français disposent d’une connexion internet chez eux, quel qu’en soit le support (smartphone, ordinateur, tablettes, etc.). Aussi est-il légitime de s’interroger sur les nouveaux comportements inhérents à la facilité de disposer de cet outil. Sont-ils la cause du phénomène de cyberdépendance rencontré par une partie de la population ? Quand peut-on parler de cyberaddiction ? Quelles en sont les conséquences ? Focus sur la relation entre écrans connectés et internautes ci-dessous.

La parole aux sujets à la cyberdépendance
Les formes les plus courantes de la cyberdépendance
Avant tout, il est de bon ton de préciser que le diagnostic de l’addiction à internet ne répond pas à une série de cases cochées. En effet, il n’existe pas de normes quantitatives permettant d’affirmer qu’un individu se trouve dans une situation d’addiction. Aussi peut-on légitimement se pencher sur la définition même de la dépendance pour identifier une personne accro au web, à savoir lorsque le comportement impacte la physiologie ou la santé psychique. De manière large, la cyberdépendance est liée à des sujets bien précis :
- les réseaux sociaux : les femmes sont les plus sensibles aux effets des réseaux sociaux. En conséquence, l’estime de soi devient une quête permanente et le besoin de reconnaissance s’accroît, intimement lié au développement d’une forme de stress. La priorité est donnée à l’approbation d’inconnus connectés plutôt qu’au cercle proche,
- les jeux en ligne : elle concerne aussi bien les jeux vidéos que les paris sportifs et jeux en ligne (PMU, poker, etc.). Le sentiment d’appartenance à un groupe, pour les gamers, et le gain de quelques parties pour les parieurs offrent un sentiment de puissance et participent de la valorisation de sa propre estime,
- le shopping en ligne : cette addiction est facilitée par l’absence d’horaires et le confort de commander depuis son canapé, puisque tout est accessible 24h/24. Par ailleurs, les apparentes promotions, offres spéciales et la réception quotidienne de newsletters incitant à l’achat sont des facteurs de shopping compulsif, dont les conséquences peuvent être des difficultés à “boucler ses fins de mois”,
- le cybersexe : facile, accessible à toute heure et permettant de satisfaire les envies de chacun, l’addiction au sexe en ligne peut entraîner un désintérêt pour son/sa partenaire, une insatisfaction dans les rapports et une imagination restreinte générant une certaine frustration,
- les séries et films à travers les plateformes de vidéos à la demande : disposer de l’intégralité du catalogue d’une série incite à surconsommer les épisodes. Le binge watching fait que l’individu ne voit plus le temps passer, cumule des heures de sommeil en retard et développe un caractère sédentaire.
Merci à la chaîne YouTube GIP – RASPEG pour le partage de ce reportage sur la cyberaddiction
Les effets directs de l’addiction à internet et ses causes
Selon un sondage IPSOS réalisé en mai 2022 pour la Macif et s’intéressant à la perte de contrôle due à la cyberdépendance, les sondés mentionnent, par ordre d’importance, les conséquences suivantes :
- la perte de notion du temps
- les difficultés à trouver le sommeil
- l’absence d’interactions sociales
- les troubles de la vision
- la difficulté à penser à autre chose
- les variations de l’humeur et l’irritabilité accrue
- le fait de ne pas sortir de chez soi durant plusieurs jours
- l’oubli de se nourrir
- le fait de ne pas se rendre au travail ou en classe.
Ces propos évoquant aussi bien la forme physique que les relations sociales. L’étude met également en lumière deux causes principales au temps démesuré passé devant internet : le divertissement et la dimension anxiolytique de l’outil.
L’origine de la cyberdépendance, intimement liée à la sphère psychologique
De là à parler d’une difficulté à se retrouver face à soi-même, il n’y a qu’un pas. Formidable outil d’ouverture au monde, le web a néanmoins ses effets délétères dès lors qu’il est “mal” employé. La navigation poussée à son extrême témoignerait-t-elle d’un besoin de fuir la réalité pour ne pas avoir à l’accepter ? Quel meilleur endroit qu’un monde virtuel pour ne pas se confronter au réel ? Que l’internaute se réfugie dans le jeu vidéo ou dans l’utilisation frénétique des réseaux sociaux à grand renfort de publications destinées à valoriser son propre ego, le dénominateur commun n’en demeure pas moins l’angoisse du regard d’autrui et la volonté de s’échapper. La confiance en soi croît au fur et à mesure des années, le temps qui passe nous apprend à identifier ce qui est réellement important et ce qui l’est moins. Aussi est-il important que l’entourage d’une personne sujette à la cyberdépendance s’implique et la soutienne au mieux, non pas de manière brutale en lui coupant sa connexion internet, mais en l’intégrant aux interactions sociales du quotidien et en la valorisant, en l’aidant à prendre conscience de sa personnalité propre et de sa valeur sociale. La consultation d’un psychologue ou d’un psychiatre pour tenter de limiter la cyberaddiction n’est pas nécessairement appropriée et peut être laissée à l’appréciation de la personne dépendante et/ou de ses proches. Comme pour toute addiction, le point de départ d’une sortie de crise sera d’admettre le comportement de dépendance. Rien n’est irréversible !

Cyberdépendance, physiologie et conseils pour en sortir
D’un point de vue physiologique, les syndromes du canal carpien, la tendinite du poignet, les troubles de la vision, les céphalées et les contractures cervicales sont les principales conséquences de la cyberdépendance. Les individus les plus jeunes sont également plus sujets à développer des tics, comme le clignement intempestif des paupières ou des spasmes. Certains effets peuvent, sur le long terme, avoir des conséquences irrémédiables. Alors, comment traiter le problème de fond et s’ancrer à nouveau dans la réalité ? Tout d’abord, le bon sens sera votre meilleur allié. Quelques conseils basiques, mais efficaces, tout du moins lorsque la cyberdépendance n’est pas installée depuis plusieurs années : fixez-vous des objectifs horaires en vous imposant un seuil à ne pas dépasser. Ceux-ci doivent être réalisables afin de vous encourager dans votre démarche. Par exemple, tentez de vous limiter à deux heures par jour sur internet dans le cadre des loisirs. De plus, il est pertinent de se désinscrire des newsletters vous incitant à un passage à l’action (achat, participation à un jeu, etc.). Votre impact numérique sur la planète n’en sera que réduit. Enfin, forcez-vous à sortir de chez vous. On ne reviendra pas sur les multiples bienfaits d’une promenade à l’extérieur, d’une session footing ou d’un verre entre amis dans un bar que vous appréciez… dans le monde réel !